Transcription de l'entretien
Leïla Achour
Directrice du Développement chez Artefact 3000
"L’IA Gen en création et en publicité"
Bonjour à tous. Je suis Emmanuel Malherbe, Directeur de la Recherche chez Artefact et j’ai la chance d’animer ces Data Coffees. Le principe, un sujet data, l’IA générative, un expert data d’Artefact, Leïla et un bon café. Bonjour Leïla.
Bonjour.
Qui es-tu chez Artefact ?
Et bien moi je suis Leïla Achour, je suis directrice du développement au sein de notre agence créative qui s’appelle Artefact3000, qui est en fait l’agence de publicité intégrée à Artefact. L’agence existe depuis 6 ans maintenant et globalement elle réunit toutes les capacités créatives et de création de campagne au sein du groupe.
Et donc en terme d’IA génératives, quels ont été les changements que tu as pu voir côté créa ?
Alors l’IA générative est arrivée un petit peu comme un gros boom dans notre univers. Elle a suscité au début beaucoup de questions, c’est à dire que les capacités techniques sont arrivées avant même qu’on sache quels usages réels on allait en faire, donc on va dire que dans un premier temps ça a été un moment de grande curiosité, où tout le monde a un petit peu touché à tout, essayer de comprendre un petit peu ce qu’on pouvait faire avec ces outils et aujourd’hui avec plusieurs mois de recul on se rend compte qu’il y a certaines de nos activités, certains de nos process qui ont pas mal été chamboulés mais dans le sens positif du terme. Globalement pour résumer, notre vision des IA génératives aujourd’hui c’est qu’elles viennent augmenter la manière dont on fait nos métiers, elles viennent plutôt booster la créativité au sein de l’agence que, comme on a pu l’entendre parfois, être un remplaçant de nos métiers.
Nous voilà rassurés. Et en terme de métier, tu vois un petit peu les transformations ?
Alors on va dire que le métier qui a été le plus impacté c’est vraiment les créatifs, ceux qui sont en charge de trouver des idées, de créer des maquettes, créer des visuels, eux dans leur quotidien il y a eu un gain de productivité énorme grâce à l’IA. On va dire que l’IA générative aujourd’hui c’est un petit peu un super assistant pour nos créatifs parce que dans la phase d’identification des idées, de réflexion, de conception, ils continuent à être les premiers à avoir un rôle clé, les idées viennent encore par l’humain et je pense qu’on a encore beaucoup de temps devant nous avant que l’IA soit au niveau des humains parce qu’il manque un facteur d’imprévisibilité qui permet de faire des sauts créatifs. En revanche dans tout ce qui est développement de la création, c’est-à-dire le moment où il va falloir illustrer un concept, créer des maquettes, créer des storyboards, toute cette partie là qui avant prenait énormément de temps parce qu’il fallait faire manuellement de la recherche d’images, il fallait faire appel à des illustrateurs pour créer les maquettes, il fallait faire des photomontages, ça c’est un travail qui prenait des jours voire des semaines, aujourd’hui on peut faire appel à l’IA et obtenir des résultats qui sont hyper réalistes, hyper qualitatifs, sur lesquels on peut vraiment demander précisément ce qu’on veut et du coup générer des visuels hyper aboutis. Alors qui ne sont pas encore de qualité pour la production mais qui pour de l’illustration et de la projection dans les concepts sont vraiment super. Et tout ça en quelques minutes, quelques heures éventuellement. Donc on va dire qu’aujourd’hui, si je résume le gros enjeu pour nos créatifs, c’est justement de ne pas seulement être des créatifs mais aussi de devenir des super prompt engineers, c’est dire qu’on les forme vraiment et ils se forment à écrire des prompts qui soient suffisamment efficaces pour obtenir de la visualisation en phase avec leurs idées.
Donc c’est surtout pour la génération d’images que vous utilisez l’IA générative ?
Tout à fait. On va dire que la génération d’images c’est le plus grand cas d’usage qu’on a aujourd’hui, ça c’est dans notre quotidien, c’est dans nos process. Il y a d’autres métiers qui sont évidemment impactés, comme le planning stratégique par exemple, pendant toute la phase d’analyse, de recherche d’éléments factuels, on va un petit peu se servir de l’IA, notamment de ChatGPT, mais pour ça il a fallu qu’on construise des méthodologies, des frameworks qui nous permettent d’obtenir des informations qui soient fiables, qui soient suffisamment riches parce que ça ne viendra pas non plus remplacer de la desk research traditionnelle, parce qu’aujourd’hui il y a quand même quelques limites à la qualité des résultats qu’on obtient par l’IA. Il y a d’autres métiers comme les développeurs, qui aujourd’hui peuvent s’appuyer aussi sur l’IA pour obtenir du code, mais la génération d’images, notamment avec Midjourney, c’est vraiment le premier cas qui a changé au sein de l’agence.
Est-ce que tu as des exemples ? Tu peux nous parler de projets concrets ?
Bien sûr. En fait pour nous il y a un petit peu trois niveaux. C’est-à-dire qu’il y a le premier niveau qui est dans notre quotidien, ce que je viens de raconter donc ce gain de temps pour visualiser, développer de la création en amont de la production. Par exemple, récemment on était sur un pitch et donc il fallait créer des storyboards animés pour aider les clients à se projeter dans le script qu’on avait rédigé, et là au lieu de faire appel à un roughman, on a utilisé Midjourney pour générer tous les visuels et construire un storyboard qui soit beaucoup plus réaliste que de la simple illustration en noir et blanc. Donc c’est le niveau numéro 1 et c’est plus de productivité au quotidien pour remettre un petit peu plus de temps et d’énergie sur les tâches qui ont plus de valeur ajoutée, que sur les tâches qui sont un petit peu opérationnelles. Le deuxième niveau c’est plus de monter une offre avec notre studio intégré de production digitale. On est en train de développer pour certains de nos clients une offre de production de contenus par l’IA générative. Donc là par exemple on travaille pour des retailers qui ont des gros besoins en production de contenu, à générer automatiquement des contenus audio et vidéo, qui soient hyper personnalisés pour l’ensemble de leur cible et tout ça en maintenant un niveau de qualité qui est hyper important pour maintenir l’image de la marque partout, sur tous ces canaux. Ça on va dire que c’est l’un des deuxième grands projets qui nous anime. Et puis le dernier c’est comment les IA aujourd’hui permettent de faire naître des idées qui étaient impossibles avant pour nous dans la création, dans la publicité, c’est le nerf de la guerre, c’est justement comment est-ce qu’on fait pour se réinventer tout le temps, pour venir avec des idées qui soient originales, innovantes, qui vont étonner nos cibles et par l’IA aujourd’hui on peut faire des choses qui techniquement, et même dans notre imaginaire, ne pouvaient pas exister il y a encore quelques mois. Donc si je dois te donner des exemples un peu concrets, alors je ne peux pas citer de clients spécifiques mais en ce moment on travaille à donner vie à des œuvres d’art, les animer, justement en utilisant Midjourney. On travaille aussi sur la création de produits à partir de prompts proposés par les consommateurs, c’est-à-dire qu’on va les aider à visualiser leurs produits de rêve et en faire un outil de search au sein d’un catalogue. On travaille aussi pour un client à générer des paroles de musique et même générer carrément des morceaux et des voix associées, pour que les consommateurs à la fin deviennent un petit peu partie prenante dans un processus créatif. Voilà toutes ces possibilités là, elles n’existaient pas il y a quelques mois et aujourd’hui ça l’est.
Donc c’est une véritable révolution. Ça c’est ce qui se passe chez Artefact3000. Est-ce que tu vois d’autres choses qui se passent dans l’écosystème ?
Globalement, il y a pas mal de campagnes qui sont sorties ces derniers mois et on les case nous dans différents niveaux, c’est à dire qu’il y a les campagnes qui s’appuie à 100 % sur la capacité technique de l’IA. Récemment par exemple, la campagne d’Orange pour les Bleus, on a trouvé que c’était un cas hyper pertinent qui permet de mettre en scène une promesse de la marque et même un engagement de mettre en valeur l’équipe de foot féminine, en utilisant justement ce que l’IA générative peut faire, pour transformer complètement une vidéo, un visuel donc ça on a trouvé que c’était un exemple hyper puissant. On a aimé il y a quelques mois Heinz, qui se sert de ChatGPT et de DALL-E pour montrer l’iconicité de son produit. Quand on tape ketchup dans un outil d’IA générative, souvent c’est une bouteille qui ressemble à une bouteille de Heinz qui ressort. McDo a fait la même chose avec ChatGPT pour le Big Mac. C’est des exemples qui sont à la fois très simples, très malins et du coup très directs pour les clients. Après il y a d’autres niveaux où là on va plutôt chercher à s’attaquer à la grande peur collective autour de l’IA, la grande peur du remplacement et là l’IA est moins au cœur de l’idée, c’est-à-dire que la capacité technique n’est pas utilisée. En revanche on va s’attaquer directement à ChatGPT, on va faire des blagues autour de ça et c’est pareil en fait, c’est une manière de rester ancré dans son temps.
Qu’est-ce que tu vois pour la suite des aventures de l’IA générative ?
De grandes choses ! Pour nous cette accélération qu’on commence à sentir, elle ne va faire qu’augmenter, elle va seulement continuer donc pour nous il y a évidemment tout un sujet de continuer à former nos équipes, nos créatifs pour que tous les outils fassent pleinement partie de notre quotidien, que ce ne soit plus simplement, comme il y a quelques mois, des nouveaux gadgets mais vraiment des outils parfaitement intégrés dans nos process. Mais surtout je pense que demain tous nos projets, d’une manière ou d’une autre, vont intégrer l’IA, je pense aussi que ce ne sera jamais un remplacement de certains métiers mais vraiment une combinaison et l’IA et l’humain vont venir se renforcer l’un l’autre. C’est-à-dire que ce facteur humain à la fois d’imprévisibilité mais aussi de contrôle qualité, de garantie de compréhension de tous les enjeux d’une marque, on va continuer à le garder en tant qu’humain parce que ça reste notre prérogative première et surtout ce qu’on sait faire de mieux. Et l’IA va continuer à l’inverse à venir nous aider à gagner du temps sur certaines étapes qui sont un petit peu plus répétitives, qui sont peut-être plus simples à réaliser, qui demandent moins d’imagination aussi. Donc voilà je pense que, que ce soit dans la production mais aussi dans la création de nouvelles idées, ça va vraiment être une combinaison gagnante.
Merci Leïla. Donc c’est une révolution où l’humain reste au cœur de la révolution.
Tout à fait.
Merci pour votre attention. Je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode Data Coffee de la plateforme média The Bridge sur le thème de l’IA générative.